« Le temps, c’est de l’argent ». L’adage bien connu est purement et simplement exact. L’heure de travail d’un employé coûte à son employeur. La minute de publicité à la télévision est copieusement facturée à la marque qui la diffuse. Les habits, les autos ou les ustensiles de cuisine s’abîment avec le temps et il faut en acheter de nouveaux.

C’est pourquoi nos sociétés considèrent le temps comme une commodité. Tout est aujourd’hui conçu pour que nous ne perdions jamais de ce temps si précieux. Ainsi, les nouveaux modes de communication raccourcissent les distances, mais compressent aussi les durées. Envoyer un mail à l’autre bout du monde sachant qu’il sera lu immédiatement. Parler et se voir à travers un écran d’ordinateur alors que nous sommes séparés de milliers de kilomètres. Ne plus avoir besoin de faire la queue à la banque... Oui, réjouissons-nous de ces avancées techniques : le progrès simplifie nos vies.

Ou... est-ce plutôt l’inverse ? Nos vies ne se sont-elles pas justement complexifiées ? Le raccourcissement du temps a des conséquences non négligeables sur nos comportements. Pourquoi passer une heure en tête-à-tête avec un ami sur la terrasse d’un café, puisque nous pourrions passer ce temps bien plus efficacement en « communiquant » avec nos centaines d’« amis » sur facebook ? Pourquoi traverser la rue pour poser une question à notre voisin, puisque nous pourrions lui téléphoner ? Le temps, nous n’avons pas le temps de le prendre. Mais à force d’aller au plus pressé, au plus efficace, nous nous coupons des gens, des relations authentiques et simples.

Dans ce monde où tout s’accélère, prendre le temps du temps est pour beaucoup un rêve, si ce n’est un privilège bourgeois. Et pourtant, la course effrénée de nos vies est devenue pour nous tellement naturelle que l’idée « d’avoir du temps » est, bizarrement, de moins en moins attrayante. À ma grande stupeur, je l’ai expérimenté l’été dernier. Avant de partir une dizaine de jours en vacances, une pensée terrible m’a effrayé : qu’allais-je donc faire de mon temps ? Comment allais-je remplir ces jours encore vierges dans mon calepin ? Ce vide me faisait peur. Si ma vie trouve son sens dans la rapidité de ma course, qui suis-je quand je m’arrête ?

repos 2

Jamais (ou si rarement), n’ai-je regretté de prendre le temps. Jouer avec mes enfants, avoir une longue conversation avec mon épouse autour d’un verre de vin, garer la voiture sur le bas-côté pour admirer un coucher de soleil. Ces moments sont précieux, et pourtant si simples. Ils figent le temps. Certes, ils demandent que je fasse l’effort de m’arrêter, mais ils arrivent toujours à me prendre par surprise. Qu’il est aisé d’oublier que le bonheur se trouve dans les petites choses !

Noël approchant, pourquoi ne pas nous laisser prendre par surprise ? Surprise de la simplicité, du temps immobile, comme ces crèches qui décoreront bientôt nos maisons.