Luc 2 : 8-20

Je ne crois pas trop m’avancer en disant que nous sommes tous déjà passés de très fortes déceptions dans la vie : des études et des examens ratés, des rêves brisés, une carrière qui n’avance pas, des amitiés qui s’écroulent, et le divorce qui a fait des ravages soit dans votre couple soit dans celui de vos parents. Toutes ces déceptions, courantes si je puis dire, peuvent faire très mal à une personne, et elles peuvent très facilement nous conduire à penser que nous sommes sans valeur, insignifiants aux yeux de tous et de nous-mêmes.

Notre passage aujourd’hui offre une alternative à ce sentiment et cette tentation, une alternative qui est aussi au centre du message de Noël et du message chrétien : dans le Royaume de Dieu, personne n’est sans valeur, personne n’est rejeté, personne n’est insignifiant. Je vous invite à découvrir cela en ouvrant vos Bibles en Luc 2, où nous lirons les versets 8 à 20.

8Dans cette même région, il y avait des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour garder leur troupeau. 9Un ange du Seigneur leur apparut et la gloire du Seigneur les entoura de lumière. Ils eurent alors très peur. 10Mais l’ange leur dit : « N’ayez pas peur, car je vous apporte une bonne nouvelle qui réjouira beaucoup tout le peuple : 11cette nuit, dans la ville de David, est né, pour vous, un Sauveur ; c’est le Christ, le Seigneur. 12Et voici le signe qui vous le fera reconnaître : vous trouverez un petit enfant enveloppé de langes et couché dans une crèche. » 13Tout à coup, il y eut avec l’ange une troupe nombreuse d’anges du ciel, qui louaient Dieu en disant : 14« Gloire à Dieu dans les cieux très hauts, et paix sur la terre pour ceux qu’il aime ! » 15Lorsque les anges les eurent quittés pour retourner au ciel, les bergers se dirent les uns aux autres : « Allons donc jusqu’à Bethléem : il faut que nous voyions ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître. » 16Ils se dépêchèrent d’y aller et ils trouvèrent Marie et Joseph, et le petit enfant couché dans la crèche. 17Quand ils le virent, ils racontèrent ce que l’ange leur avait dit au sujet de ce petit enfant. 18Tous ceux qui entendirent les bergers furent étonnés de ce qu’ils leur disaient. 19Quant à Marie, elle gardait tout cela dans sa mémoire et y réfléchissait profondément. 20Puis les bergers prirent le chemin du retour. Ils célébraient la grandeur de Dieu et le louaient pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, car tout s’était passé comme l’ange le leur avait annoncé.

Un message pour tout le monde

Nous connaissons l’histoire. Marie, accompagnée de son mari Joseph, vient de parcourir des kilomètres à dos d’âne et n’a été accueillie par aucune auberge aux alentours de Bethléem. Et la voilà ce matin-là, fatiguée, elle vient de donner naissance à Jésus dans des circonstances très difficiles et dans le plus grand anonymat. Un événement d’une ampleur cosmique vient d’arriver, mais personne n’est là pour en témoigner. Pourtant, un tel événement ne peut rester secret, il faut l’annoncer ! Alors, je ne sais pour vous, mais je me dis que le meilleur moyen de le faire savoir serait d’aller le dire aux autorités religieuses d’Israël, celles qui attendaient la venue du Messie depuis si longtemps. Si les prêtres et les lévites étaient au courant, le lendemain ils en feraient part à tout le monde dans les synagogues, et la nouvelle ferait très vite le tour d’Israël. Oui, cela aurait du sens. Et pourtant, Dieu a choisi, par l’intermédiaire d’un ange, d’annoncer cette nouvelle ni aux autorités religieuses, ni à aucun autre grand de ce monde, mais bien plutôt à des bergers des alentours.

Alors, c’est vrai, nous avons aujourd’hui une vision assez romantique du berger. Ce vieil homme gentil et solitaire, qui mange son saucisson et qui prend grand soin, jour après jour, de ses brebis, nous l’envions parfois. Mais voilà, cette vison du berger n’est pas celle qui prévalait au premier siècle en Palestine. Loin de là. Non, les bergers au temps de Jésus étaient plutôt mal vus. Les pires des pires, les moins que rien, c’étaient les lépreux bien sûr, mais les bergers étaient les prochains sur la liste. Ils avaient la réputation d’être des voleurs, des gens malhonnêtes avec qui il ne fallait surtout pas faire de business. Cette réputation était telle qu’ils n’étaient même pas autorisés à entrer au Temple ni à témoigner lors de procès. Non, les bergers étaient des moins que rien. Et pourtant, c’est à eux, à ces bergers que tout le monde rejetait, que l’ange est venu annoncer en premier la bonne nouvelle de la naissance de Jésus.

Alors pourquoi ? Pourquoi être venu vers eux plutôt que vers les grands de ce monde, plutôt que vers les plus méritants, les plus capables ? Bien sûr, c’était là une habitude de la part de Jésus que de déjouer systématiquement les règles de bonnes conduites élémentaires de sa société : il touchait les lépreux, il prenait ses repas sans se laver les mains, et avec des pécheurs, il lavait les pieds de ses disciples, etc. Mais il y a une autre raison, bien sûr. Jésus n’était pas un de ces embêteurs professionnels qui se font un malin plaisir de prendre systématiquement le contre-pied de ce qu’on attend de lui. Non, Jésus avait une mission, celle du salut de son peuple, celle du salut de tout son peuple. Écoutez une nouvelle fois l’annonce que l’ange fait aux bergers :

« Soyez sans crainte, car je vous annonce la bonne nouvelle d’une grande joie qui sera pour tout le peuple : aujourd’hui, dans la ville de David, il vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur. »

Eh bien voilà, je pense, la raison pour laquelle l’ange est venu en premier vers les bergers. La grande joie que l’ange annonce, la grande joie de la venue du Messie, est pour tout le peuple, même les moins que rien, même ceux qui sont rejetés de tous, même les moins méritants. Et cette bonne nouvelle, elle est aussi pour nous tous, ce matin. Nous qui nous considérons peut-être comme des moins que rien, comme des insignifiants. L’ange vient vers les bergers pour leur dire, et nous dire : il n’y a pas de moins que rien dans le Royaume de Dieu, personne n’y est insignifiant. Alors, vous tous les désillusionnés, vous tous les déçus et les décevants, vous tous qui êtes en échec, vous tous qui êtes une honte pour vos proches et pour vous-mêmes, vous tous les pécheurs qui ne supportez pas de vous regarder dans la miroir, vous tous les rejetés de la société, vous tous, tous, vous êtes les bienvenus : venez partager la joie du Messie, la joie de son salut !

Un message de salut

Alors, vous en conviendrez, si le message que l’ange annonce aux bergers est un message pour tout le peuple, ce message est forcément très important, même s’il est difficile à prendre au sérieux, même s’il commence par « le sauveur vient de naître dans une étable ». On se pose la question : Pourquoi, au juste, la naissance de ce Jésus est-elle pour les bergers une bonne nouvelle ? Comment ce Messie-né-dans-une-étable est-il sauveur de quoi et de qui que soit.

À mon sens, la réponse la plus belle et la plus juste à cette question est exprimée dans l’épître aux Philippiens au chapitre 2. Dans ce texte, Paul a expliqué que Jésus s’est dépouillé lui-même pour devenir un moins que rien. Pour sauver son peuple, tout son peuple, il est devenu comme son peuple. Il s’est humilié, il est devenu serviteur, esclave, faible, en proie aux moqueries et au ridicule, à la faim, à la souffrance et à la mort. Il est devenu tout sauf ce qu’on attendait d’un Messie et d’un Roi. Il est devenu comme nous.

Et c’est justement en cela que la naissance de Jésus est une bonne nouvelle de salut : en lui Dieu est venu vers nous. Plus encore, en lui Dieu est devenu comme nous pour nous sortir de cette impasse dans laquelle nous nous trouvions, pour nous sortir de notre insignifiance, de nos mal-êtres, de nos fautes et ultimement de notre mort. En somme, pour nous sauver, qui que nous soyons.

Un message qui pousse à la louange et au partage

L’ange est donc venu vers les bergers pour leur annoncer à eux, les moins que rien, qu’un Messie-moins-que-rien venait de naître dans une étable. Le bergers sont donc allés, non pas vérifier, mais simplement voir de leurs yeux ce que l’ange leur a fait connaître. Et quelle fut alors leur attitude ?

Dans le verset 20, tout à la fin de notre récit, nous découvrons les bergers dans la joie, « glorifiant et louant Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu. » La louange, voilà leur réponse à ce qui vient de ce passer dans leur vie. Et, de fait, comment ne pas louer un tel Dieu ? Comment ne pas louer un Dieu qui vient vers des bergers en premier pour leur annoncer la bonne nouvelle d’un Messie dans une crèche ? Oui, Dieu est digne de louange !

Et juste avant dans le texte, il y a une autre attitude à laquelle nous ne pensons pas forcément, une attitude qui ne saute pas aux yeux. Oui, aux versets 17 et 18, nous lisons que les bergers « racontèrent ce qui leur avait été dit au sujet de ce petit enfant, et tous ceux qui les entendirent furent dans l’étonnement de ce que disaient les bergers ». Je rebondis là-dessus parce que, non seulement les bergers furent les premiers à prendre connaissance de la naissance du messie, mais ici, nous voyons qu’ils furent aussi les premiers évangélistes chrétiens. Ils ne pouvaient pas garder cette bonne nouvelle pour eux, il fallait qu’ils aillent dans leur contrée pour annoncer à tout le monde ce qui venait de se passer. Eux qui étaient considérés par tous comme des gens malhonnêtes, comme des brigands et des moins que rien, Dieu leur a fait l’honneur d’être les premiers à l’annoncer autour d’eux. Encore une fois, il n’y a personne qui soit insignifiant dans le Royaume de Dieu.

Cela me fait penser à une histoire que mon pasteur, aux États-Unis, m’avait racontée. Il était pasteur d’une grande Église, très affluente, remplie de gens assez fortunés. Mais un dimanche, juste avant un culte, un homme est venu est lui a demandé : « Est-ce que vous acceptez les anciens toxicomanes dans votre église ? » Et là, mon pasteur lui a donné une réponse merveilleuse. Il lui a dit : « Regardez tous ces gens autour de vous. Tous sont accros à quelque chose. Ils sont accros à leur voiture, à leurs habits, à leur famille, à leurs enfants, à leurs maisons, à leur travail. Ils sont accros à leur argent, à leur péché. Cette église est remplie d’accros, et ce pasteur-ci n’est pas une exception. Alors, est-ce que vous vous sentez chez vous maintenant ? Un conseil : ne vous fiez pas aux habits du dimanche ».

Face à cet homme qui se croyait insignifiant, face à un homme qui ne se pensait pas assez digne pour rentrer dans une église, ce pasteur a eu une réponse qui, je crois, doit impérativement devenir notre réponse à tous, notre réponse et notre attitude pour chaque personne rentrant dans les murs de nos églises et pour chaque personne venant vers nous. J’essaie parfois d’imaginer comment telle ou telle église réagirait si certaines personnes rentraient dans leur lieu de culte. Alors je vous pose la question à vous : Comment réagiriez-vous si un dimanche matin une prostituée habillée en prostituée rentrait et venait s’asseoir au premier rang ? Feriez-vous sortir doucement les enfants ? Chuchoteriez-vous entre vous ? Diriez-vous : « quelle honte, une femme de mauvaise vertu, ici, dans nos murs ! ». Ou alors penseriez-vous : « Voilà une personne qui a sa place ici, au premier rang de notre église, et au premier rang du Royaume de Dieu » ? Et vous auriez raison parce que cette prostituée a besoin de l’Évangile et de Christ tout autant que vous et moi. Vous auriez raison parce que cette prostituée nous ressemble beaucoup plus que ce que nous pensons.

Conclusion

Frères et sœurs, dans le Royaume de Dieu, les « moins que rien » n’existent plus. Dans le Royaume de Dieu, personne n’est insignifiant. Non, dans ce Royaume, il n’y a que des fils et des filles aimés par un Dieu si bon qu’il a envoyé son propre fils pour devenir moins que rien. Un Dieu si bon qu’il est venu les sauver. Un Dieu si bon qu’il a annoncé à des bergers que la grande joie du Messie était pour eux. Ce message, il est pour nous tous ce matin : nous tous, les déçus et les décevants, nous tous, qui pensons parfois ne rien valoir. Nous sommes aimés et nous avons une très grande valeur aux yeux de Dieu. C’est cela aussi le message de Noël. Alors, comme les bergers, louons notre Dieu et témoignons de son amour autour de nous, pour que tous ceux qui nous entendent soient, eux aussi, dans l’étonnement !