J'ai participé avec joie à cette série à travers trois articles que je vous propose dans les trois notes de blog suivantes. Mais au-delà de la présentation de ce petit travail, c'est l'occasion pour moi de saluer le travail de grande qualité de cette revue d'Églises. Chapeau bas à Michel Sommer et à toute son équipe de rédacteurs!

Actes 2.1-24 : Au début de l’Église, l’effusion du Saint-Esprit

Le récit de la Pentecôte est d’une grande concision. Étonnant, pour un événement d’une telle ampleur ! Mais justement, quel sens Luc a-t-il voulu donner à cet épisode ? La manière dont il l’a intégré dans son diptyque (Luc-Actes) révèle toute la richesse et la profondeur de sa pensée, notamment quant à l’Église et sa mission.

La fonction de la Pentecôte dans le récit

Le récit de la Pentecôte sert de pivot à l’ensemble du récit de Luc. À la fin de l’Évangile selon Luc, le rôle à venir des disciples en tant que témoins est annoncé par Jésus :

Et il leur dit : Ainsi il est écrit que le Christ souffrirait, qu’il se relèverait d'entre les morts le troisième jour et que le changement radical, pour le pardon des péchés, serait proclamé en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. Vous en êtes témoins. Moi, j’envoie sur vous ce que mon Père a promis ; vous, restez dans la ville, jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la puissance d’en haut (Luc 24.46-49).

Ces paroles sont en substance répétées au début du livre des Actes :

Comme il se trouvait avec eux, il leur enjoignit de ne pas s'éloigner de Jérusalem, mais d’attendre ce que le Père avait promis – ce dont, leur dit-il, vous m’avez entendu parler : Jean a baptisé d'eau, mais vous, c’est un baptême dans l'Esprit saint que vous recevrez d'ici peu de jours (Actes 1.4-5).

Puis, au verset 8, Jésus charge les disciples d’aller proclamer l’Évangile jusqu’aux extrémités de la terre. Ainsi, les Actes débutent là où l’Évangile s’était interrompu, avec cette clarification : « la puissance d’en haut » n’est autre que « l’Esprit Saint », dont les apôtres seront prochainement baptisés. Il y a donc un lien très fort, dans l’intrigue de Luc-Actes, entre la Pentecôte/don de l’Esprit, d’une part, et la charge des apôtres d’aller et de proclamer l’Évangile de Jésus-Christ, d’autre part.

La Pentecôte marque le commencement du ministère des disciples. D’ailleurs, notre auteur montre clairement que la Pentecôte est l’équivalent, pour les apôtres dans le livre des Actes, de ce que fut le baptême de Jésus dans l’Évangile. Dans l’Évangile de Luc, alors que Jésus était en train de prier, le Saint Esprit descendit sur lui dans un phénomène à la fois audible et visible (Luc 3.21-22) ; et peu de temps après, Jésus prononça une prédication qui donna le ton à tout son ministère (Luc 4.16-30). Au début des Actes, les disciples sont en prière quand l’Esprit descend sur eux de manière audible et visible ; et Pierre (le porte-parole des apôtres) prononce un discours donnant là-encore le ton de leur ministère à venir. Luc se sert donc de la Pentecôte/baptême de l’Esprit pour marquer la continuité entre le ministère de Jésus sur terre et celui de ses apôtres (cf. aussi Luc 3.16). En l’absence de Jésus, mais animés de son Esprit, ce sont eux qui proclameront l’Évangile.

Les débuts de la mission chrétienne

Mais comment la Pentecôte rend-elle possible les débuts de la mission des disciples ? Deux expressions utilisées en Actes 2.4 permettent, en partie, de répondre à cette question.

Premièrement, tous ceux qui étaient présents dans la maison furent « remplis d’Esprit saint » (Actes 2.4). Excepté Éphésiens 5.18, c’est là une expression que seul Luc utilise et qui peut signifier deux choses : la réception initiale et permanente de l’Esprit chez une personne, afin que celle-ci puisse servir Dieu (cf. Jean-Baptiste en Luc 1.15 ou Paul en Actes 9.17) ; ou l’inspiration par l’Esprit en vue d’une parole ou d’un discours prophétiques (cf. Luc 1.41, 67 ; Actes 4.8, 31 ; 13.9). Dans le récit de la Pentecôte, ces deux significations semblent présentes. Quand les apôtres furent remplis de l’Esprit, ce fut pour eux le départ d’un ministère d’annonce de l’Évangile. Mais l’aspect prophétique du don de l’Esprit est également présent. Dans son discours, Pierre ajoute d’ailleurs « et il prophétiseront » à la citation du prophète Joël (2.18). Or, cette phrase n’est pas présente dans le texte du livre de Joël ! Ainsi, la plénitude de l’Esprit pour les apôtres à la Pentecôte fut une initiation à leur nouveau ministère d’apôtres, de témoins du Christ, mais aussi une habilitation à prophétiser, à proclamer la parole de Dieu.

Deuxièmement, les apôtres se mirent à parler « en d’autres langues ». Ce fait est significatif car il démontre que le projet de Dieu de bénir et d’être réconcilié avec toutes les nations (cf. Genèse 12.2-3 ; Luc 24.47 ; Actes 1.8) prend un tournant décisif. En Actes 2.5-12, la bénédiction est expérimentée dans un renversement dramatique de la confusion de Babel : des gens de toutes les nations, présentes ce jour-là à Jérusalem, entendent la bonne nouvelle de Dieu dans leur propre langue ! Certes, à la Pentecôte l’Évangile ne fut entendu qu’à Jérusalem et que par des Juifs et prosélytes (Actes 2.5, 11), mais très vite, à travers le ministère des apôtres et de leurs associés, un élan missionnaire hors des frontières ethniques et géographiques d’Israël s’opérera en suivant le programme d’Actes 1.8 (à Jérusalem, dans toute la Judée et en Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre). La Pentecôte présage donc de l’universalité de la mission de l’Église.

Notre récit ?

La Pentecôte est un événement majeur de l’histoire du salut et de la mission de l’Église parce qu’il marque le début de la mission chrétienne : à la Pentecôte, la réconciliation voulue par Dieu s’est mise en marche, inexorablement. Deux millénaires plus tard, l’Église se trouve pourtant dans une situation paradoxale : d’une part, l’Évangile a atteint les extrémités de la terre, mais d’autre part, toute la création n’est pas encore réconciliée avec Dieu. L’Évangile a accompli de grandes choses, mais tant reste encore à faire !

Cette situation ne doit surtout pas nous décourager. En pensant à la première Pentecôte, nous nous souvenons que les disciples sont alors partis de rien et que l’Évangile qu’ils ont courageusement proclamé a porté son fruit. À leur tour, où qu’elles se trouvent, quelles que soient leur situation, les communautés chrétiennes se doivent donc de continuer à marcher sur les pas des premiers apôtres : fort de l’Esprit saint qui les accompagnent, elles proclament l’Évangile de la grâce de Dieu en Jésus-Christ.